GREAT DIXTER
En mai dernier, nous sommes allés visiter de magnifiques jardins dans le sud de l'Angleterre
et j'ai résumé le voyage dans un billet (c'est ici).
Les journées d'hiver nous laissant du temps pour revoir les albums photos,
l'envie m'a prise de faire un come-back à Great Dixter,
dans le Sussex au sud-est de Londres.
Nous avons visité la maison avant de faire le tour des jardins plantés par Christopher Lloyd, célèbre jardinier,
auteur de nombreux ouvrages sur les jardins.
Parmi ses livres, j'ai adoré "Jardins anglais. Correspondance " dont je vous ai parlé dans un billet ( c'est ici )
Christopher Lloyd :
" "J'ai toujours vécu à Great Dixter, où je suis né en 1921. Mes parents ont acheté la propriété en 1910.
Edwin Lutyens (devenu plus tad Sir Edwin) restaura le manoir du XVe siècle et l'agrandit,
et tout cela n'a plus bougé.
Il dessina également les jardins, sauf celui en contrebas, que mon père conçut après la Grande Guerre.
Si bien que tout était en place avant mon entrée en scène.
Après la seconde guerre mondiale, j'ai passé un diplôme en horticulture à Wye Collège, université de Londres,
et j'y suis resté quatre ans comme maître assistant.
Ensuite je suis rentré chez moi avec l'intention d'y gagner ma vie.
Je tenais de ma mère l'amour de la littérature et de la correspondance, et j'ai commencé à écrire sur le jardinage. (....)
J'ai aussi créé une petite pépinière, que j'ai conservée volontairement modeste pour m'éviter les soucis d'une entreprise trop vaste. (....)
J'avais quatre frères et une soeur. Tous quittèrent la maison familiale, sauf un de mes frères qui resta au domaine de Little Dixter pour y organiser des visites qui devinrent de plus en plus importantes.
Je suis désormais le seul survivant d'une génération où personne n'a jamais manifesté le moindre intérêt pour le jardinage, au contraire de moi, dès mon plus jeune âge, et de ma mère, chez qui c'était une passion. (....)
Fergus, qui est un ami depuis ses années d'étudiant, est devenu mon jardinier en chef en 1994, et il a rendu possible toutes sortes de changements dans le jardin, en termes de plantations plutôt que de structures. " "
" Beth Chatto - Christopher Lloyd, "Jardins anglais. Correspondance. "
L'un des aspects agréables du jardin est qu'il entoure complètement la maison.
C'est une prairie fleurie qui nous accueille à l'entrée du jardin.
Elle contient un riche assortiment de plantes qui aiment pousser dans l'herbe
et la tonte n'a lieu que lorsque tout est arrivé à maturité et que les graines se sont répandues.
Ce n'est pas un espace herbu abandonné par manque de temps
mais bien une volonté de laisser se développer des plantes qui ne demandent pas d'attention une fois installées.
Nous continuons vers le jardin de la grange qui entoure le jardin creux.
En cette fin mai, le mariage est heureux entre les tulipes rouges et les euphorbes jaunes.
C'est assis sur les murets autour du bassin
que nous profitons de la sérénité des lieux
en admirant la beauté du tableau.
Je partage la remarque de beaucoup de visiteurs
" Si je pouvais avoir juste un coin du jardin, ce serait celui-là. "
Le mélange de couleurs, le bassin autour duquel s'agence la végétation,
les contrastes verticaux entre les haies taillées qui protègent l'endroit et les arbustes,
l'ensemble est un régal pour les yeux formant un endroit apaisant, un petit paradis.
On pourrait rester des heures à révasser autour du bassin
mais la curiosité nous incite à reprendre la balade vers le jardin de murs clos.
Contrairement à une idée répandue, les murs ne protègent pas du vent
mais génèrent des tourbillons destructeurs.
La pelouse centrale a été remplacée en 1998 par un dallage comprenant une mosaïque de galets
représentant les deux teckels adorés (Dahlia et Canna) de Chrystopher Lloyd.
Les topiaires d'ifs sont la signature du jardin.
Ces sculptures faciles d'entretien ne nécessitent qu'une taille par an.
Une taille réalisée en août permet aux formes de conserver la netteté des lignes
jusqu'à la fin du mois d'août suivant.
Et voici une photo que j'aime bien :
la longue bordure soutenue par une haie d'ifs, toile de fond pour les couleurs vives de la plate bande.
A partir de fin mai, aucun espace vide n'est visible dans la bordure.
La partie basse de la longue bordure est séparée de la prairie du verger plus naturelle
par une allée de dalles assez large pour laisser les plantes s'étaler par-dessus
et par une bande de pelouse délimitée au cordeau.
Les mixed-borders font le charme de Great Dixter.
Ces tapisseries colorées contiennent un mélange d'espèces de fleurs,
de plantes grimpantes, de vivaces et de gélives, d'annuelles et de persistantes.
Christopher Lloyd ne voyait pas l'intérêt de séparer les plantes selon leur type ou leur couleur,
pour lui c'était un défi d'associer toutes sortes de couleurs et de hauteurs.
Christopher Llyod :
" "J'aime bien un certain non-conformisme dans mes compositions,
et pouvoir mettre une plante haute mais grêle, presque devant,
alors qu'on découvre en s'approchant des plantes plus basses
qui mènent le regard vers le centre de la plate-bande et son arrière-plan.
"" "Beth Chatto - Christopher Lloyd, "Jardins anglais. Correspondance."
Nous continuons la visite en traversant un petit jardin fleuri avant de passer sous une arche d'ifs.
Nous voici dans le jardin supérieur, typique du potager édouardien.
Les allées sont bordées d'étroites plate-bandes fleuries avec des arbres fruitiers en espaliers
qui cachent les plantations de légumes à l'arrière.
Après le jardin supérieur, nous découvrons un jardin contenant 18 topiaires d'oiseaux.
A l'origine, Christopher Lloyd avait l'intention d'en faire des faisans, des coqs de combat, des merles ...
mais aujourd'hui ils s'appellent tous ..... des paons.
(pour moi, ce sont des écureuils !)
A côté des jardins de Great Dixter, nous apercevons d'étranges chapeaux sur les toitures.
Ces drôles de toit coniques sont des "Oast Houses" ou séchoirs à houblon.
L'intérieur est muni d'un étage où l'on met le houblon à sécher au-dessus d'un four, l'aération se faisant par le chapeau.
Le houblon est entreposé et séché dans le bâtiment accolé à la tour.
Les capuchons du séchoir tournent avec le vent de telle sorte qu'ils aient le dos au vent
pour éviter que la fumée et la vapeur ne soient rabattues dans le four.
Christopher Lloyd :
" " Jadis à Northiam, il y avait sept houblonniers; il n'en reste qu'un, les CYSTER et cinq seulement dans tout le comté du Sussex.
Or la demande pour le houblon britannique et la bière britannique (par opposition à la bière blonde, Lager)
dans les différentes parties du monde, y compris l'Amérique prouve que l'avenir est loin d'être sombre.
Le séchage s'effectue à l'aide d'appareils qui ressemblent à d'énormes lampes à souder,
et prend entre sept et onze heures, comme dans le temps.
Puis le houblon est pressé, non plus en rond comme jadis, mais en carrés, à peu près de la même taille.
Ensuite, il est ensaché mécaniquement. " "
"" Beth Chatto - Christopher Lloyd, "Jardins anglais. Correspondance.""
Après avoir vu des reportages à la télé et dans les magasines sur Great Dixter,
après avoir lu et relu " Beth Chatto-Christopher Lloyd Jardins anglais -correspondance",
j'étais impatiente de découvrir de visu la maison et les jardins.
Nous avons eu beaucoup de chance avec la météo.
Le soleil était au rendez-vous et nous a permis de flâner dans le jardin.
Ensuite, se promener en effleurant les fleurs qui débordent dans les allées,
découvrir à chaque détour de nouveaux tableaux de couleurs,
être surpris par le contraste entre l'aspect un peu sauvage du jardin et la rigueur des topiaires,
la visite de Great Dixter a largement dépassé mes attentes,
j'ai vraiment adoré Great Dixter.
Ce que j'en garde, c'est que l'aspect naturel, la " liberté accordée aux plantes"
cache en réalité un très gros travail de maîtrise du développement de la végétation.
Du grand art, so british !